Le 15 novembre 2022, l’arrêté de bonnes pratiques pris en application de la loi bioéthique du 2 août 2021 est paru au journal officiel. Cet arrêté fixe les règles de prise en charge médicale des enfants présentant des “variations du développement génital”.
Sans surprise, l’arrêté poursuit la dynamique de pathologisation des traits intersexes, qui s’inscrit tout au long du texte. L’arrêté consacre le droit des médecins à définir les traitements des enfants intersexes.
Premièrement, le dispositif systématise la prise en charge des enfants concernés dans les centres de référence et instaure une obligation de réunion de concertation pluridisciplinaire nationale (RCP). Il en ressort que les médecins peuvent désormais s’arroger le droit de définir quels enfants seront soumis à ce dispositif, puisqu’ils pourront faire le tri entre différentes variations, notamment en appréciant le “degré de marquage” de celles-ci, et donc celles qui feront l’objet d’une RCP ou non.
En institutionnalisant une discussion à huis clos entre médecins sans garanties suffisantes pour protéger le consentement éclairé des enfants, le gouvernement renouvelle sa confiance aux médecins des centres de référence et témoigne ainsi clairement de sa tolérance envers les mutilations et les traitements non consentis.
Deuxièmement, si l’arrêté énonce que “la seule finalité de conformation des organes génitaux atypiques de l’enfant aux représentations du féminin et du masculin ne constitue pas une nécessité médicale”, cette prétendue avancée méconnaît la réalité des motivations présentées pour les interventions pratiquées sur les enfants intersexes. En effet, aucun praticien ne présente la conformation comme seul motif d’intervention. Les mutilations intersexes sont aujourd’hui justifiées par des arguments relevant de la fonctionnalité, du développement psychosocial, ou encore du lien parental.
Dès lors, l’arrêté ne contient aucune voie satisfaisante permettant de renvoyer dans le champ de l’illicéité les interventions dites “fonctionnelles” qui ne sont en réalité que des conformations déguisées. Eugéniste, le texte va jusqu’à renforcer les possibilités d’ IMG pour variation du développement génital.
Aujourd’hui comme hier, de l’article 30 de la loi de bioéthique, à la création de l’arrêté, en passant par les modalités de fonctionnement des RCP, les médecins font et disent le droit. Ils déterminent sans contrôle social et sans respect des droits humains quelle sera la soi-disant nécessité médicale du moment.
Nous nous opposons fermement à cet arrêté qui, en instaurant une véritable usine à gaz de prise en charge médicalisée des enfants intersexes, place le sort des enfants et des adolescents intersexes entre les mains des médecins des centres de référence, qui sont les principaux lieux où sont rédigés et prescrits les protocoles mutilants. Cet arrêté ne renverse aucunement le rapport de force entre le corps médical et les personnes concernées et, ce faisant, n’apporte aucune protection du consentement éclairé des enfants et adolescents intersexes.
Nous rappelons à l’État français et au gouvernement son devoir de faire respecter l’intégrité physique et le droit à l’autodétermination des enfants intersexes. Nous rappelons les sanctions et critiques de l’ONU, la CEDH, le Conseil d’État, la CNCDH, le Défenseur des Droits, et la HAS. Et nous marquons notre déception quant à cette occasion manquée de prendre des mesures efficaces à même de garantir ces droits.
Le Collectif Intersexe Activiste – OII France