Plainte de Mö contre l’Etat français : la CEDH rejette le recours mais ouvre la voie à une future condamnation des mutilations intersexes !

Plainte de Mö contre l’Etat français : la CEDH rejette le recours mais ouvre la voie à une future condamnation des mutilations intersexes ! 

Paris, le 19 mai 2022

Ce jeudi 19 mai, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu sa décision au sujet du recours entamé par Mö contre l’Etat français. Les juridictions françaises ayant refusé de se prononcer en raison du dépassement du délai de prescription, le recours cherchait à faire reconnaître comme “actes de torture”, au sens de l’article 3 de la Convention des droits de l’Homme, les pratiques médicales subies. 

Le recours de Mö a été rejeté mais le Collectif Intersexe Activiste – OII France souhaite souligner les deux facettes de cette décision qui, tout en rejetant la demande pour des raisons procédurales, place les premiers jalons d’une jurisprudence favorable aux droits des personnes intersexes.

Le collectif rappelle que le rejet ayant pour motif le non-épuisement des voies de recours nationales, il ne constitue pas en soi un avis défavorable aux droits des personnes intersexes, mais relève de considérations d’ordre procédural. L’argumentaire de la Cour, contesté par le cabinet défendant Mö, ne nous convainc pas non plus. Il semble plutôt indiquer une volonté de la CEDH de temporiser et de laisser le temps aux Etats, et particulièrement à l’Etat français, de rectifier leurs pratiques concernant la prise en charge des enfants et adolescents intersexes, avant de les sanctionner. 

Le collectif salue l’initiative prise par la CEDH d’aborder des éléments de fond – ce qu’elle ne fait habituellement pas en cas d’irrecevabilité des recours pour des raisons procédurales. La Cour, à l’appui de plusieurs de ses décisions antérieures, semble poser les fondations d’une jurisprudence relative au droit des personnes intersexes.

Le collectif relève que plusieurs affirmations de la Cour s’inscrivent dans le prolongement des revendications des associations de personnes intersexes et qu’elle se réfère largement aux décisions et rapports produits par les institutions européennes et internationales de protection des droits humains.

La Cour affirme ainsi au sujet des traitements imposés aux personnes intersexes par le corps médical que : 

  • La qualification de mauvais traitement peut concerner les actes médicaux  et ce même en l’absence d’intention malveillante de la part du corps médical;

  • Un acte médical sans nécessité thérapeutique et sans le consentement éclairé de la personne qui en fait l’objet est susceptible de constituer un mauvais traitement au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme relatif à l’interdiction de la torture;

  • La nécessité médicale doit être “démontrée de manière convaincante” par le corps médical;

  • “La stérilisation d’une personne pratiquée sans finalité thérapeutique et sans son consentement éclairé est (…) en principe incompatible avec le respect de la liberté et de la dignité de l’homme et constitutive d’un traitement contraire à l’article 3. (…). Il en va de même des mutilations génitales (…), notamment pratiquées sur une enfant”. 

Ce faisant, la Cour annonce clairement la direction qu’elle prend : elle oppose sa jurisprudence aux arguments du corps médical et de l’Etat français relatifs à la nécessité thérapeutique et rappelle que les stérilisations forcées et les mutilations génitales sont contraires aux droits humains proclamés par la Convention des droits de l’Homme. 

Le Collectif se tient aux côtés de Mö pour qui justice n’est pas rendue, et s’associe aux propos de son avocate Mila Petkova : “nous sommes déçu.e.s par cette décision […] mais d’un point de vue juridique et symbolique pour la lutte des personnes intersexes cette décision est extraordinaire. […] Elle annonce dans sa décision une évolution qui va arriver : ce n’est pas cette requête, ce sera la prochaine”. L’Etat français est prévenu

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