Amendements concernant les enfants intersexes : ceux qu’on aime… et les autres

des personnes à l'hemicycle

Dans le cadre du projet de loi de bioéthique, la Ministre de la santé a finalement admis, lors du passage du projet de loi en commission, que le sujet de la prise en charge des enfants intersexes relevait de la bioéthique et qu’il y avait une nécessité d’encadrement des pratiques.

Par le moyen d’amendements déposés par des députés de la majorité, elle souhaite voir adopter une formulation qui tend à systématiser la prise en charge de ces enfants dans le cadre des centres de référence spécialisés. Par ailleurs, elle a insisté sur le fait qu’elle ne soutiendrait aucune des formulations d’amendement contenant la notion du consentement de l’enfant concerné.

Suite à ces débats, les député.e.s ont tout de même déposé des amendements aux rédaction variées. Au total, 21 amendements (et deux sous amendements) concernant les enfants intersexes seront présentés au vote de l’Assemblée Nationale en séance publique, dans les prochains jours. Ces amendements sont tous placés après l’article 21, et abordent des sujets aussi différents que la protection contre les mutilations, la rédaction d’un rapport, l’accompagnement et le suivi des personnes concernées, ou encore, l’inscription à l’état-civil.

Pour mieux s’y retrouver, voici une brève présentation des amendements que nous soutenons, ceux sur lesquels nous avons des réserves, et ceux auxquels nous nous opposons fermement (ci-dessous et également en pièce jointe)

 

C’est OUI 

 Les amendements qui prennent en compte le consentement de la personne hors cas d’urgence vitale :

  • Nos préférés : les n°2134, 2427, 2438, 2443, 2498 :

Ces amendements mettent en avant le critère de nécessité vitale immédiate ou du consentement éclairé de la personne mineure, et explicitent le recours au juge des tutelles en cas de différend.

  • Les formulations positives mais plus vulnérables : les n° 1762 et 1792 : 

Ces amendements vont dans le bon sens mais avec plus de limites, des termes qui pourront être redéfinis pour exclure certaines situations ou variations du champ de la protection légale (“personne présentant des variations du développement sexué”, “nécessité vitale”)

Les amendements concernant la mention de sexe à l’état-civil : n°2127

 Si la prise en compte du consentement de l’enfant était finalement voté, la proposition d’amendement 2127 serait d’autant plus pertinente. En effet, il ouvre la possibilité de ne pas inscrire de mention de sexe à la naissance, pendant 3 mois maximum, afin de permettre la réalisation d’examens permettant de choisir un marqueur de genre plus cohérent avec le développement physique prévisible de l’enfant. A l’heure actuelle, cela n’est possible que dans le but de laisser le temps de réaliser des actes de conformation. Des 3 amendements portant sur l’état-civil, seul celui-ci nous paraît important.

 

C’est DÉCEVANT

 Les amendements qui demandent un rapport : n°2096, 2441, 2442, 2499, 2512 et 2333 :

Ces amendements demandent un rapport sous 12 mois sur les pratiques médicales actuelles notamment dans les centres de référence. Si certains ouvrent la possibilité d’un débat parlementaire sur ledit rapport, nous nous inquiétons que le Ministère propose cette mesure en alternative à la protection contre les mutilations et non en complément de cette mesure. Nous réaffirmons donc notre soutien à ce projet de rapport mais non au prix du rejet des amendements de protection immédiate des enfants intersexes.

C’est NON

 Les amendements qui systématisent l’orientation des enfants intersexes vers les centres de référence : n°2154, 2334, 2165 et 2168 (et le sous-amendement 2621) :

Si la centralisation des enfants présentant des variations du développement sexuel dans un nombre restreint de centres pourraient permettre une meilleure vigilance sur les pratiques subies et sur le respect du consentement de la personne, les amendements présentés tendent, comme ceux sur le rapport, à se substituer à la prise en compte du consentement. Plusieurs formulent même la prise en compte du consentement seulement si l’enfant est “apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision”, ce qui signifie la possibilité pour les parents de donner leur aval à des mutilations jusqu’à un âge avancé de l’enfant. De plus, le recours à des équipes pluridisciplinaires dans ces centres de référence ne garantit absolument pas une prise en compte respectueuse du consentement de l’enfant : aujourd’hui les mutilations continuent dans les centres de référence, les médecins qui y exercent étant pour la plupart dans une approche extrêmement stigmatisante et pathologisante des variations intersexes.

En l’état, ces amendements nous semblent donc absolument incompatibles avec une avancée des droits intersexes, car ils entérinent la prise de décision par les médecins des centres de référence et les parents concernant des actes médicaux d’altération des caractéristiques sexuelles sans urgence vitale.

C’est INEFFICACE

Les amendements concernant la mention de sexe à l’état-civil : n°2164 et 2417 :

Cette discussion risque de faire dérailler le débat sur l’extrême urgence de l’arrêt des mutilations vers une polémique chronophage. Nous souhaitons donc que l’amendement n°2417 ne soit pas présenté et que les député.e.s l’ayant soumis se rendent disponibles pour nous rencontrer pour avancer sur ce point. Par ailleurs, le n°2164 qui ne vise à interdire que les chirurgies, et seulement si elles ont pour unique but la conformation des organes génitaux au sexe à l’état-civil méconnait largement les motivations et justifications de ces actes : il est donc inutile et probablement inapplicable.

 Les amendement et sous-amendement sur l’accompagnement des enfants : n°1521 et 2620 :

Ils prévoient pour l’un un “accompagnement personnalisé”, pour l’autre un “suivi psychologique et social”. En théorie cela devrait déjà être le cas, mais dans la pratique les enfants et leurs familles souffrent souvent d’isolement. Tant que ces accompagnements et suivis sont réalisés dans une approche non-stigmatisante, non-pathologisante, et centrés sur l’enfant et le respect de son consentement, nous soutenons évidemment ce principe.

Pour résumer, quasiment tous les amendements peuvent apporter des éléments positifs, à l’exception de ceux précisant que le consentement personnel ne doit être recherché que si l’enfant est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision (2334, 2168, 2154) – ce qui permet aux médecins de passer outre le consentement de l’enfant en obtenant l’accord des parents.

Cependant, tous ces progrès sont conditionnés au fait d’inscrire fermement la centralité du consentement personnel et du fait de différer tout acte de modification des caractéristiques sexuelles ne répondant pas à une urgence vitale immédiate. Sans quoi, de nombreuses propositions, et en particulier la centralisation dans les centres de référence, permettront en réalité d’accélérer les mutilations.

Quant à la seule demande d’un rapport, elle est non seulement inutile pour voter une loi de protection, les pratiques étant largement assez documentées et les principes de droits humains fermement établis, mais dangereuse, car en un an de rédaction d’un rapport, ce sont des milliers d’enfants de plus qui subiront des mutilations.

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