Le 16 mai 2022, La Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) a rendu son rapport “Orientation sexuelle, identité de genre et intersexuation : de l’égalité à l’effectivité des droits”. Dans le prolongement de l’avis qu’elle avait rendu en 2018, la CNCDH se positionne sans ambiguïté pour la protection des droits des personnes intersexes, pour le respect de leur intégrité physique et mentale et pour la dépathologisation de leur accompagnement.
Le Collectif Intersexe Activiste tient à saluer les différentes recommandations prises par la CNCDH, qui rencontrent une large part des revendications inscrites dans la Déclaration de Malte de 2013. Ces recommandations visent :
- la cessation des traitements inhumains et dégradants par le corps médical à l’encontre des personnes intersexes
- la mise en place d’un contrôle des centres de référence,
- la formation des médecins au sein des Services Universitaires de médecine préventive,
- la création d’un programme de recherche spécifique portant sur la santé des personnes LGBTI, avec notamment la suggestion d’une étude portant sur les conséquences à long terme de certains traitements
- l’amélioration de l’accueil des personnes intersexes dans le sport
Des positions fermes sur les pratiques médicales et la nécessité du consentement
La CNCDH commence par un rappel salvateur : “porter atteinte à l’intégrité du corps humain constitue en principe un acte illicite susceptible d’entraîner la responsabilité civile voire pénale de son auteur, à moins que l’intervention ne soit justifiée par une ’nécessité médicale’ ”. Elle appelle sur ce point à un recul critique entre les traitements légitimes et les traitements à visée exclusivement correctrice réalisés afin de renforcer l’assignation de genre choisie pour l’enfant.
Le CNCDH souligne notamment que “ces traitements paraissent pourtant manifestement trop souvent réalisés sans que la nécessité thérapeutique soit véritablement démontrée et à un âge où la personne concernée n’est pas en capacité de consentir””.
Le Collectif Intersexe Activiste souhaite ici souligner que la plupart des opérations de conformation sexuelle en France se font aujourd’hui sous couvert d’une prétendue nécessité fonctionnelle, qui ne relève pas de la nécessité médicale, ne soigne aucune douleur physique ou psychique et qu’elles devraient à ce titre être interdites.
Dans sa Recommandation 17, elle enjoint la Haute autorité de santé (HAS) à revoir les protocoles de soin concernant les mineurs intersexes pour limiter le recours à la chirurgie aux seuls cas où la vie de l’enfant est en jeu, ou aux situations de grave souffrance physique et/ou mentale. Le Collectif Intersexe Activiste soutient cette recommandation qui s’inscrit dans ses revendications ainsi que dans le texte de la Déclaration de Malte.
Dans cette voie, la Commission affirme que “les personnes intersexes devraient être mises en capacité de décider des traitements hormonaux et chirurgicaux effectués sur leurs corps”, notamment afin d’éviter “les atteintes au consentement pourtant encadré en droit français.”
L’urgence d’un rappel à la loi
Afin de mettre fin à ces pratiques, la CNCDH enjoint les ministères de la Santé et de la Justice à publier une circulaire rappelant aux personnels de santé les sanctions pénales encourues en cas d’atteinte au corps humain sans nécessité thérapeutique (Recommandation 18).
Le Collectif Intersexe Activiste se félicite de cette consigne et signale que les atteintes à l’intégrité corporelle des personnes qui ne poursuivent aucun but thérapeutique constituent des violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente et sont sanctionnées par les articles 222-9 et 222-10 du code pénal. Lorsqu’elles sont pratiquées sur des mineurs de moins de 15 ans, il s’agit d’un crime.
Un réel encadrement des médecins
Face à l’impunité et à l’entre soi du corps médical, “la CNCDH recommande à la Haute autorité de santé d’effectuer des contrôles réguliers sur les pratiques des différents centres de référence de prise en charge des variations du développement sexuel.”
Elle préconise, dans sa recommandation 36, “que médecins et personnels des Services Universitaires de Médecine Préventive et de Promotion de la Santé (SUMPPS) soient formés spécifiquement aux problématiques des personnes transgenres et intersexes”, en précisant que « les personnes trans ou intersexes peuvent souhaiter accomplir des traitements (de transition ou de réassignation) car, bien que ni la transidentité ni l’intersexuation ne soient des maladies, elles ont souvent besoin d’un concours médical bienveillant et compétent si elles souhaitent modifier leur apparence physique. »
Enfin, elle indique qu’il “conviendrait également d’élaborer des supports d’information et de développer les lieux d’accompagnement des parents d’enfants intersexes, notamment en lien avec les associations de personnes concernées.” Le CIA ne peut que se réjouir de cette recommandation qui va complètement dans le sens de son action d’accompagnement et d’information auprès des personnes intersexes et de leurs familles.
Une approche sous l’angle des droits humains
Le Collectif Intersexe Activiste félicite la CNCDH pour ses prises de positions fortes, qui rejoignent avec précision les revendications portées par les organisations intersexes depuis de nombreuses années. L’ensemble du rapport opte sans équivoque pour une dépathologisation des corps intersexués qui doivent être considérés “comme une déclinaison de la diversité humaine et non comme une « anomalie »”et définit également le concept d’intersexophobie, correspondant aux discriminations spécifiques subies par les personnes intersexes, incluant leur pathologisation par le corps médical et le reste de la société.
Aujourd’hui, l’Etat français n’a toujours pas statué clairement sur les pratiques médicales non-cruciales commises sur les personnes intersexes sans leur consentement éclairé. Pire, depuis la loi bioéthique, il a renforcé l’institutionnalisation de la prise en charge des personnes intersexes La CNCDH n’hésite en revanche pas à statuer sur l’atteinte aux droits humains entraînée par les actes médicaux non nécessaires sur les personnes intersexes. Le Collectif rappelle que l’une des missions de la CNCDH est de “conseiller le gouvernement et le parlement sur des projets et propositions de loi” et enjoint ces derniers à se saisir de toute urgence du sujet.
Ce rapport vient s’ajouter aux nombreuses condamnations et avis émis par les institutions nationales, européennes et internationales, et le Collectif espère que ces préconisations seront entendues. Si le gouvernement et les institutions médicales ne se mettent pas rapidement au pas selon les conseils de la CNCDH, c’est par la voie judiciaire que les droits des personnes intersexes seront acquis. Les droits intersexes sont des droits humains.
Le Collectif Intersexe Activiste – OII France