Avis 132 du CCNE : un plaidoyer pour la fin des mutilations aux bien maigres recommandations 

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Ce mercredi 27 novembre, le Comité Consultatif National d’Éthique a publié un avis (le n°132) portant sur les “Questions soulevées par la situation des personnes ayant des variations du développement sexuel”. Réaction du Collectif Intersexes et Allié.e.s.

Une prise de position claire pour l’arrêt des opérations d’assignation sexuelle

Ce rapport constitue une nouvelle avancée vers le respect des droits humains des personnes intersexes et vient s’ajouter à la longue liste des publications, recommandations et condamnations adressés à l’État français lui enjoignant de mettre fin aux traitements non cruciaux et non consentis sur les enfants et adolescents intersexes.

Le rapport rappelle d’abord que la majorité des cas de variations du développement sexuel ne pose pas de problème d’assignation à un sexe et ne met pas en jeu le pronostic vital. Il suggère également d’utiliser les termes de “variations du développement sexuel” (VDS) et se distingue ainsi des vocables médicaux pathologisants de “désordre”, “anomalie”, “trouble” ou “différence”. Le rapport souhaite que les actes médicaux sur des personnes ayant une VDS” répondent  à “une nécessité médicale » et fasse l’objet d’une « information claire, loyale et compréhensible ». Ainsi, l’avis contient des arguments forts qui :

  • replacent l’enfant concerné par une variation du développement sexuel au cœur de la prise en charge,
  • rejettent les interventions visant une assignation même pour des raisons psychosociales
  • insistent sur la nécessité d’arrêter des traitements précoces.

Des recommandations peu utiles dans la pratique

Cependant, si le Collectif se réjouit de ces préconisations symboliques, nous regrettons que ces recommandations préconisées soient très en deçà du sursaut éthique nécessaire pour mettre fin aux actes illicites qui sont encore réalisés dans les hôpitaux français et notamment dans les centres de référence et de compétence des “anomalies du développement génital” (DEVGEN).

Le rapport relève ici une contradiction notoire : si les rédacteurs appellent à éviter les opérations précoces, ils défendent une pratique “au cas par cas” et excluent toute modification législative disposant que les actes d’assignation sexuée sans motif urgent et vital ne répondent pas à une nécessité médicale. Ce faisant, alors même qu’ils demandent de recueillir le consentement de l’enfant, ils laissent la définition de la nécessité médicale entre les mains des médecins, tout en renforçant le rôle des centres de référence.

Ces apports s’inscrivent dans la continuité des prises de positions de la Ministre de la Santé et du vote de l’article 21 bis de révision de la loi de bioéthique à l’Assemblée Nationale : reconnaître les exactions, ne pas changer la pratique. Elles ne répondent pas à la question centrale qui est de savoir ce qui constitue une nécessité médicale et quels actes sont légitimes. Dans cette mesure, elles n’apportent aucune avancée concrète au-delà d’une position symbolique.

Une centration sur le dialogue qui dénote un aveuglement clair sur la situation

Les propositions répétées de dialogue entre médecins et associations de personnes concernées dénotent un refus de comprendre la gravité de la situation. Dans la mesure où les personnes intersexes sont victimes de violations de leurs droits humains, de façon systématisée, de la part du corps médical, comment croire que nous ayons quoi que ce soit à discuter ?

C’est oublier aussi que depuis 30 ans les organisations intersexes interpellent les médecins et que toute la première génération organisée a tenté de les convaincre : le résultat a été le soi-disant Consensus de Chicago qui, en 2006, entérine les protocoles pathologisants et créé le sigle DSD (disorders of sex development, anomalie du développement sexuel en français). Les médecins connaissent très bien nos arguments, comme nous connaissons les leurs. Ils connaissent les conséquences dramatiques de leurs pratiques et continuent à les défendre pour des raisons idéologiques, sans aucun fondement scientifique.

Il n’y a rien à discuter. Les médecins qui commettent des mutilations sans urgence vitale et sans consentement ne changeront de pratiques – de leur propre aveu –  que devant la menace d’un procès. C’est à la loi de protéger les enfants intersexes, pas aux médecins de décider au cas par cas de procéder ou non à des violations de droits humains.

Non aux Assises avec les médecins, oui aux médecins aux Assises.

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Crédits Photo : Bernd Klutsch sur Unsplash

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